littérature

Dans ce festival où se passe la dernière partie du roman, Clémence Veilhan avait emporté avec elle un livre de Beckett « Dans ce milieu il manque les mots, plus personne ne parle. On dit je t’aime alors qu’on ne le pense pas. Qu’est-ce qu’un mot alors ? Comment raconte t-on une histoire ? »

Mathilde Delli, Art, Technikart 2023

Si blanche est la nuit, roman, 2023

LE LIVRE

Une femme, jeune photographe. Un homme, beau et violent. Des amis, des amants, pas mal de drogues… La rue puis un squat, le studio d’une grande artiste, enfin un festival techno sur une île magique… Ce livre est le roman d’un amour impossible. En trois nuits, l’amour s’ouvre et se referme. Trois moments où se joue toute une vie.

L’EXTRAIT

Le passé se meurt quand on est en danger. L’existence de l’instant est plus pure que jamais dans le claquement de mes pas. Happée par la vitesse de cet été dissipé, je n’ai plus peur de rien. Les flics arrivent au loin. Je file de toutes mes forces. J’avance sans trébucher entre les jardinières de géraniums, les glycines, les oliviers des immeubles chics. Je ne me connaissais pas une énergie pareille. Je bondis entre les ombres, sans heurt et mes pas ne forment que du silence. Au hasard des
chemins, la porte cochère de l’école de dessin a été laissée ouverte. Je m’engouffre dans la cour. Je trouve un escalier de métal brinquebalant. Je l’emprunte jusqu’à arriver en dessous d’une trappe. Je sais que je pourrais aller me cacher sur les toits mais je suis prise d’un léger vertige qui m’empêche de monter les dernières marches. Je n’ose plus bouger quand Keith vient à mon secours.


— Blanche, chuchote-t-il pour m’appeler.
— Ouf, c’est toi.

Il m’attend déjà sur le toit et me tend la main pour m’aider
à franchir la trappe. Nous faisons quelques pas sur les tuiles
en ardoise.


— Excuse-moi, me dit-il.


Je respire enfin. J’en oublie presque que nous fuyons la police.


— Je suis désolé, répète-t-il. Et il ajoute :
— Je ne sais pas ce que j’ai. J’arrive à rien… Mais je ne te veux aucun mal, je te promets…
— Arrête de me faire des trucs comme ça, lui dis-je.


La beauté du ciel me donne envie d’être heureuse et son air de petit garçon fautif me crève le cœur. Jamais je n’ai vu la ville de si haut. Les minuscules lumières sont une terre qui fourmille de flammes. Juste une fois, il m’a embrassée dans les fringues, juste une fois, c’était il y a longtemps. Quelque chose de subtil s’est initié en moi. Une foule d’étincelles. Juste une fois et ça s’est transformé en lave. Et depuis ce temps-là, à l’école de l’amour, je suis la dernière de la classe.

Boris Bergman – Pressions d’Afrique Jeanne-Marie Huet – 77 creux, je me suis creusé, ça y est Donatien Grau – La Parole de Savant Pauline Allié – Le Reflet de sa gueule de travers Clémence Veilhan – Pigalle Maud Marique – Sans titre Loup Michiels – La Zone Victoire De Changy – Où s’en va ce que l’on ne dit pas ? Cécile Meinardi- L’Homme de sperme ou Le Degré rose de l’écriture Thomas Godard – Moi, jardiné Pieterke Mol – Autocensure4 Gérard Berréby – Éliminer le verbe infernal Kenny Ozier-Lafontaine – Boîtes Mathilde Sauzet-Mattei – Pilote Mathias Domahidy – Sans titreThomas Casnédi – Par les trous Simon Brown – Jugement d’ouvrir I & II Lucie Guien – Sans titre Anne Lebessi – Sans titre Eva Anna Maréchal – Sans titre

Revue Sabir N° 1 Pigalle, 2019

EXTRAIT


Vais-je disparaître dans cette erreur temporelle ? Tandis qu’il est occupé à autre chose, qu’ il parle avec Sylvio, je rêvasse en silence. Dans le sexshop, à Pigalle, je me souviens de cette fille… Super jolie, qui passait nonchalamment la serpillière pour laver le lino bleu du grand magasin. Au milieu des godes, des cheveux bruns sur un t-shirt blanc, ses formes se devinent. Je m’ennuie là à regarder sans les toucher ces
lingeries aguicheuses, fantasmes dans les rubans perlés, colliers de chienne, chaînettes du lâcher-prise, instruments de l’abandon. Vous cherchez quelque chose ? dit la vendeuse d’une voix à l’air italien.